Cela faisait
quelques temps déjà que les Curieux n’avaient pas été explorer les petites
bêtes des bouses, activité pourtant fort appréciée des uns et des autres. Aussi
c’est tout naturellement que l’idée d’une sortie « bouses » a été
lancée en décembre dernier, lors de l’élaboration du programme 2015, et
proposée à Jérôme Le Marec, producteur de produits laitiers bio au Dézert. Ce
dernier s’est installé depuis 2010 sur la ferme avec Alain Regnault,
éleveur de vaches normandes, et vend ses produits transformés à la ferme
(yaourts, tome, fromage blanc, entre autres) sur le marché de Saint-Lô.
Malgré un temps
froid et pluvieux qui donnait envie de rester sous la couette, une douzaine de
Curieux, rejoints par la famille Le Marec et quelques autres, se sont retrouvés
dans la cour de la ferme. Un premier topo est fait, sur le contexte de la
sortie et ses objectifs, le lieu qui nous accueille, et une fiche (plastifiée,
ce qui, avec le recul, était une initiative très adaptée à la météo) est
distribuée. De superbes photographies du site rare.free.fr permettent de
présenter quelques espèces parmi les 3 familles de bousiers présentes en
Normandie : les Aphodiidae, les Geotrupidae et les Scarabaeidae.
Suivant Jérôme,
le petit groupe part et découvre son terrain de jeu : une prairie pâturée
nous offrant de nombreuses bouses vieilles de quelques jours. Loïc présente ce
qu’est « une bonne bouse » et de premières notions d’écologie. Puis
chacun reçoit quelques pilus et les Curieux s’éparpillent, bâton ou pelle à la
main, à la recherche de la bouse parfaite.
Les
températures fraiches, la pluie qui lessive les bouses, relativement liquides
car liées à une herbe fraîche de printemps, semblent limiter nos observations,
tant en terme de nombre d’individus que de diversité spécifique. Ainsi, aucun
Géotrupe ne sera trouvé durant la sortie. Mais grâce à l’acharnement des uns et
des autres, plusieurs espèces d’Aphodiides et de Scarabéides sont rassemblées
et permettent aux participants d’apprendre à séparer les deux familles. 6
espèces de coprophages auront été finalement trouvées, en attendant la
détermination des histérides qui seront transmis à un spécialiste.
D’autres
coprophages, et coprophiles sont trouvés, tels des histérides ou des
Staphylins. Parmi ces derniers, le Staphylin faux-bourdon (Emus hirtus), trouvé
sous une bouse, émerveille les uns et les autres. Son allure menaçante, abdomen
relevé, fait d’ailleurs un peur aux plus jeunes participantes Mais en fin de
sortie, rassemblant leur courage à deux mains, Manon et Lilou réussiront finalement
à le prendre en main, accompagnées de Marlène, qui, habituée des sorties des
Curieux, est un peu plus à l’aise à l’exercice.
Denis et Loïc
font de leur côté une jolie découverte. Ils remarquent, sous une bouse, le
départ d’une galerie d’Onthophagus, tapissée de bouses. En creusant largement
autour de ce trou, espérant trouver l’occupant, ils découvrent 5 petites
boulettes de crottes allongées et extérieurement tapissée d’une fine couche de
terre. C’est en ouvrant en deux l’une d’entre elles que nous observons un
minuscule œuf pondu dans une cavité aménagée à l’intérieur. Grâce à un schéma
issu d’un ouvrage, les Curieux ont pu comprendre ce qu’ils observaient :
lorsque l’onthophage creuse sa galerie, celle-ci est composée de deux parties.
L’une verticale consiste en un puits qui descend jusqu’à une quinzaine de
centimètres sous la bouse. L’autre consiste en une série de loges raccordée
indépendamment au fond du puits. Une fois cet ouvrage creusé, le bousier
prélève de petits fragments de matière dans la bouse puis les entraine pour
remplir chacune de ces loges avant d’y pondre un œuf. C’est une belle
illustration d’un écosystème fonctionnant en trois dimensions, et du
fantastique travail d’utilité publique, contribuant à améliorer la qualité du
sol, mené gratuitement par ces petites scarabéides.
L’heure de
déjeuner arrive et la fine pluie finit par décider les Curieux à se replier à
l’abri. Une table de travail est improvisée avec une remorque et un drap de
chasse et les boites de collections de Loïc et Claire sont présentées. Le but
est de montrer toute la diversité des bousiers, en Normandie et plus largement
en France. Il s’agit aussi d’aider les uns et les autres à déterminer leur
collecte en comparant leurs individus à ceux en référence.
Quelques
individus peuvent être ainsi facilement déterminés, tel Teuchestes fossor, mais d’autres devront attendre un passage sous
la loupe binoculaire pour être nommés. Divers ouvrages sont présentés, allant
de la Faune de France à un ouvrage pédagogique récent amené par Denis. Puis
vient l’heure du déjeuner, après un lavage de main et une distribution de gel
hydroalcoolique.
Le Curieux
étant l’épicurien qu’on connait, surtout pour tout ce qui touche aux plaisirs
de la bouche, il n’était pas envisageable de quitter les lieux sans faire
quelques courses. Chacun a ainsi pu repartir chez lui avec un morceau de tome
ou quelques yaourts aux fruits.
Un grand merci
à Jérôme Le Marec et Alain Regnault pour leur accueil sur la ferme, et un grand
bravo aux courageux participants qui ont bravé la pluie et le froid en ce
dimanche matin !
Les espèces de coléoptères coprophages trouvées :
Aphodiidae
Teuchestes fossor
(Linné, 1758), le « gros noir »
Colobopterus erraticus
(Linné, 1758), le « jaune aplati »
Esymus pusillus
(Herbst, 1789), un des deux « petits noirs »
Aphodius gr. fimetarius (Linné, 1758), le
« rouge »
Calamosternus
granarius (Linné, 1767), le second « petit noir »
Scarabaeidae
Onthophagus gr. vacca (Linné, 1767), le
« moucheté »